LE NOUVEAU BENIN

Bénin: Le pays change mais les partis politiques ne veulent pas changer

Source: L'Option Infos du 17 Avril 2009

Ecrit: Léonce HOUNGBADJI
Les formations politiques béninoises sont nulles. Il ne s’agit pas d’une thèse qu’on peut débattre, mais c’est un constat patent que nul, d’ailleurs, ne contredit. Dans ce pays de près de 8 millions d’âmes, les partis politiques ne sont rien d’autres que des clubs électoraux, d’amis, de voisins de quartiers ou de vieux amis.

Les partis politiques déclarés ou non au ministère de l'intérieur ont montré leurs limites. Ils ont étalé leur incapacité à animer véritablement la vie politique nationale. Le Général Mathieu Kérékou a été un grand président parce qu'il a su rester en phase avec eux. Il parrainait, à la veille de chaque élection, des clubs électoraux.

Le but visé était d'éviter que les grands partis ne monopolisent la représentation populaire. Mais le même Caméléon n'avait jamais rompu les amarres avec les leaders des «vrais» partis, y compris ceux qui roulaient à sa perte. Il avait toujours surpris les Béninois, quand il était aux affaires, en collaborant avec des gens qui l'ont combattu tout le temps.

C'est un secret de polichinelle qu'il en avait profité pour casser plusieurs partis tels que la Renaissance du Bénin (Rb), le Parti du renouveau démocratique (Prd) et le Mouvement africain pour le progrès et la démocratie (Madep). Comment expliquer, alors, que ces partis, qui ne sont pas étrangers à l'évolution du système révolutionnaire vers le renouveau démocratique, soient gagnés depuis par une léthargie émouvante. Ils siègent au gouvernement (hormis le Prd sous Yayi), certains parmi eux sont de bons serviteurs, mais chacun sait que leurs exploits, ils les doivent plus aux partis qu'ils sont censés représenter qu'à leur coefficient personnel.

La carence des partis au Bénin pose donc un véritable problème. Les signaux de caducité sont criants. Il existe dans ce pays à 80% analphabète, une Assemblée nationale issue d'élections régulières, elle compte pour la plupart du temps une majorité plurielle hétéroclite et une opposition déguisée qui a peur de s'affirmer. Les Béninois ne sont pas fiers de leur parlement. Puisque rien de concret ne s'y passe qui correspondrait à une activité parlementaire digne de ce nom: débats houleux, confrontations inutiles, enquêtes sans lendemain, guerres de leadership, calculs machiavéliques...

En clair, la classe politique nationale refuse de jouer le rôle qui est le sien. Elle a toujours raté les grandes occasions et apparaît sur des dossiers sur lesquels on l'attendait le moins. Les dossiers brûlants de la Nation ne l'intéressent guère. La polémique sur la révision de la Constitution, affaires Amani, Sonacop, Opt-Titan, Lépi, médiateur de la République... qui ont refait surface et bien d'autres dossiers n'ont point fait sortir les partis de leurs gongs. Seules la presse et la société civile travaillent à leur place, en suscitant les débats politiques et en cherchant à savoir plus sur ces sujets qui défraient la chronique.

La seule chose qu'ils savent bien faire, ce sont les jeux de coulisses. Ils attendent la veille des élections pour apparaître et disparaître après, sans se sourciller de la formation civique, politique et l'avenir de leurs militants. A cause des intérêts égoïstes et inavoués, la plupart d'entre eux passent à côté de l'essentiel. Les partis réunis au sein des G et F ont notamment peur de s'affirmer. Aucun d'eux ne veut jouer les seconds rôles. Depuis l'avènement du régime du changement, aucun parti n'a encore eu le courage de rentrer dans l'opposition.

Le Prd que tout le monde pense, à raison, bien placer pour jouer ce rôle est en train de fuir. «Vous voulez qu'on s'oppose à quoi? A notre propre vision? Nous formons une opposition constructive», ont toujours chanté à cor et à cris les responsables de ce parti. La Rb, de son ôté, estime que pour avoir déjà joué ce rôle durant 10 ans, il revient maintenant à ceux qui ont côtoyé le régime du président Kérékou depuis la révolution jusqu'au renouveau démocratique de rentrer dans les rangs de l'opposition. Allusion faite ainsi au Prd, Madep, Psd et d'autres petits partis. En tout cas, même si appartenir à l'opposition au Bénin n'est pas une chose facile, il est impérieux que des partis, volontairement, acceptent d'aller dans l'opposition, afin de renforcer la démocratie et l'état de droit.

Inversion des rôles

La presse des partis, quand à elle, offre une autre manifestation de la nullité des formations politiques. Avec le recul de ces dernières et l'arrivée d'une presse courageuse et dynamique, nous assistons de plus en plus, après 19 ans de démocratie, à une étrange inversion des rôles. C'est le Bénin à l'envers. Ce sont maintenant les médias qui font la politique et les partis qui commentent. Ce n'est pas sûr que ce méli-mélo soit avantageux pour notre démocratie chèrement acquise. La presse béninoise mûrira plus si elle fait l'effort de résister aux tentations politiques d'où elles viennent et de respecter fidèlement les clauses du métier. Car, ses incursions hors de ses limites ne font que renforcer l'ignorance et l'incapacité des formations politiques qui, visiblement, ne savent pas comment sortir de leur torpeur.

Leur insuffisance angoisse tous les Béninois éveillés qui sont conscients que sans eux, il n'y a pas de démocratie parfaite. Le Bénin change mais les partis ne veulent pas changer, constate-t-on ces dernières années. Ils sont restés classiques dans leur imagination. Ils sont démodés, déroutés, perdus puisque, bizarrement, ils ont atteint leur objectif et n'ont pas pu s'en donner de nouveaux, ayant déjà montré leurs limites sur le terrain. De 1972 à 1990, ils ont déshabillé Kérékou et habillé finalement son premier ministre Nicéphore Dieudonné Soglo. Comme si cela ne suffisait pas, ils ont chassé, 5 ans après, l'hercule national.

C'était la révolution et l'expérience de la démocratie qui étaient en infraction. Ils avaient tous leurs idées sur ces deux systèmes de gestion. A vrai dire, ils ont combattu pour le pouvoir absolu. Ni plus, ni moins. De Kérékou à Yayi en passant par Soglo, c'est une vérité qu'il y a une autre façon de faire de la politique, plus terre à terre. A l'ère du changement, les partis politiques béninois paniquent, s'embrouillent, peinent à retrouver leurs marques et tardent à s'en approprier. A l'étape actuelle, ce n'est pas évident qu'ils acceptent de se remettre en cause. De toutes les façons, tant qu'ils ne vont pas s'adapter à la nouvelle dynamique du changement prônée par le Boni Yayi, ce qui veut dire un profond réarmement moral et une véritable mise à niveau politique, ils risquent fort de continuer dans leur sénescence.



17/04/2009
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