LE NOUVEAU BENIN

CEREMONIE DE REMISE DU PREMIER RAPPORT D’ACTIVITES DE L’OPM:DISCOURS DU PROFESSEUR ALBERT TEVOEDJRE

 

REPUBLIQUE DU BENIN

************

PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

*************

ORGANE PRESIDENTIEL DE MEDIATION

*************

 

CEREMONIE DE REMISE DU PREMIER RAPPORT D’ACTIVITES DE L’OPM

AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

 

COTONOU,  LE 19 FEVRIER 2009

 

 

DISCOURS  DU PROFESSEUR ALBERT TEVOEDJRE

 

 

,

 

 

 

Monsieur le Président de la République,

Ainsi qu’il est prescrit dans le décret créant l’Organe Présidentiel de Médiation, et désignant un Médiateur pour servir  d’instrument de rapprochement et de règlement pacifique de différends entre les citoyens et l’administration, j’ai l’honneur de venir soumettre à votre Haute Autorité, le premier rapport d’activités de l’Organe Présidentiel de Médiation.

 Ce rapport couvre les deux années d’expérience de cette jeune institution.

Il rappelle les étapes de mise en place physique de l’organe à Porto-Novo après les nombreuses recherches, les longues explications, la mise en place des moyens utiles et enfin l’installation de l’OPM aux abords de l’Assemblée Nationale dans notre cité capitale du Bénin : Porto-Novo.

Il a fallu ensuite convaincre l’opinion de l’utilité de cet instrument promis par votre Excellence dans son programme de postulant aux plus hautes charges de l’Etat.

Il a fallu convaincre des partenaires de nous donner la main pour afficher des résultats crédibles.

Merci immédiatement et infiniment au Royaume du Danemark, au Royaume des Pays-Bas, à la Confédération helvétique et à l’Organisation Internationale de la Francophonie pour leur remarquable soutien .Nous tenons à leur exprimer notre profonde admiration  pour ce qu’il convient d’appeler leur entêtement  à accompagner le gouvernement du Bénin dans cette initiative majeure .

Monsieur le Président de la République, le rapport que nous venons vous présenter et qui est de même nature que celui régulièrement publié dans tous les autres pays par le Médiateur de la République vous permet non seulement d’apprécier les activités d’une structure qui ne peut que vouloir prouver son utilité mais il constitue aussi pour vous un baromètre et une boussole.

A partir de ce rapport, Monsieur le Président, votre gouvernement peut déceler la nécessité de réformes administratives, économiques et politiques.

En effet, les recours présentés par les citoyens permettent de s’interroger sur certains comportements des responsables administratifs, sur des déficiences graves qui peuvent affaiblir nos lois et nos décrets, sur la nécessité d’une coopération plus étroite avec certains pays voisins pour la protection des droits de nos citoyens, ceux notamment liés à la libre circulation des personnes et des biens dans les zones géographiques et économiques que nous constituons.

Ce rapport n’est donc pas un document d’auto justification et d’auto satisfaction. Il se veut un bilan et un repère.

          A ce jour, le nombre de recours reçus et traités par l’Organe Présidentiel de Médiation se présente ainsi:

Année 2007 ……………………………………….232

Année 2008 ……………………………………….541

Année 2009 en cours……………………………  56 soit au total, huit cent vingt neuf (829) recours reçus et traités.

         Il convient de préciser que sur ces 829 recours, plus de cinq cents (500) réclamants ont été satisfaits du fait de l’action de l’OPM.

Il importe à ce propos de mentionner que tous les recours soumis à l’étude de l’OPM, et qui respectent les conditions de recevabilité fixées par notre décret de référence, sont traités sans aucune distinction. La présence dans cette salle de nombreux plaignants qui ont bénéficié des actions de l’OPM nous réconforte grandement.

Certes, Il reste beaucoup à faire pour que les administrations reconnaissent la nécessité pour elles de se mettre réellement au service des citoyens et allègent leurs souffrances de travailleurs, de retraités, de malades dans nos hôpitaux en détresse avancée, de paysans illettrés, etc...Voilà pourquoi le MEDIATEUR que l’on nomme sous d’autres cieux le « Défenseur du peuple » ou le «  Protecteur du citoyen » est devenu l’avocat indispensable des causes des plus désespérés face au Léviathan tout à fait sans scrupules dans son arrogante omnipotence.

Prenons un exemple précis pour illustrer notre propos :

Nous sommes tous préoccupés par le degré de délinquance et d’insécurité qui affecte notre société. Les actions des forces de sécurité intérieure, les moyens utiles pour la maîtrise de toutes les formes de délinquance doivent constituer pour nous tous une vraie priorité.

Cela étant dit, on peut s’interroger sur l’efficacité des structures au regard de la nécessité pour nous de respecter les droits, de protéger les citoyens et d’humaniser la société.

Le rôle et l’efficacité de la prison dans la promotion des valeurs de société doivent de plus en plus nous interpeller.

Devant les nombreux cas de détention sans jugement et d’aggravation de la délinquance apprise dans les lieux d’enfermement, l’Organe Présidentiel de Médiation s’est trouvé soulagé de la décision de la Commission de relecture de la constitution d’avancer des propositions pertinentes sur ce douloureux sujet comme sur celui  de l’institution d’un Médiateur de la République.

Mais devons-nous attendre des mois et des années pour la mise en application de ces propositions ?

Devons-nous continuer à considérer l’enfermement systématique sans éducation et sans soins comme une solution aux problèmes d’hygiène sociale ?

Avons-nous choisi inconsciemment de faire de la prison un silencieux cimetière de l’intelligence ? Un espace de non droit où se développent l’immoralité à grande échelle, la pandémie de toutes les déficiences physiques et morales, l’abêtissement accéléré des plus pauvres et des malchanceux en marge de toute éducation familiale ou scolaire ?

Est-ce la faute d’un prévenu si l’instance qui doit le juger n’est toujours pas installée et doit-il demeurer le prisonnier le plus célèbre du Bénin en attendant la fin d’une guerre de cent ans ?

Voilà pourquoi de toutes les recommandations contenues dans ce rapport, je voudrais, Monsieur le Président, mettre l’accent sur celle concernant la détention préventive  prolongée.

Sur un plan plus pratique, pour accueillir les citoyens et les aider à formuler leurs recours, pour analyser les plaintes, prendre contact avec les administrations, mettre en place des séances d’explication entre parties concernées, il nous faut un personnel adéquat, qualifié et dévoué.

En matière de gouvernance locale, l’OPM s’appuie sur le  processus de décentralisation pour rapprocher l’Institution des bénéficiaires de ses prestations, et prenant en compte les dispositions de l’article 22 du décret, il a été mis en place à Parakou, la délégation départementale du Borgou grâce à l’appui remarquable de la coopération suisse.

Cette antenne fonctionnelle depuis juillet 2008 permet de relayer au niveau des communes la mission de l’organe, son mécanisme  de fonctionnement et de saisine par le biais des radios de proximité et de traiter les recours relevant de sa compétence.

L’ambition ici est de couvrir progressivement tous les départements de façon à assurer à tous les citoyens une égale chance d’accès aux services du Médiateur.

L’équipe aujourd’hui constituée a besoin de l’attention des services publics pour une prise en compte régulière  de ses compétences. Voici deux ans que durent les échanges entre l’OPM, la direction du personnel de la Présidence de la République, le Ministère de la Fonction Publique et le Ministère de l’Economie et des Finances.

Nous sollicitons, Monsieur le Président de la République, votre bienveillante et généreuse attention pour renforcer nos capacités et nos moyens et donner à notre personnel le caractère administratif régulier qui convient.

Reste l’épineuse question du statut même du Médiateur de la République.

Ceci mérite une pause et une parenthèse  puisque l’actualité nous offre une chance et une opportunité. Chacun sait, en effet qu’il importe souvent que se produisent certains évènements pour que soient révélées au grand jour les pensées secrètes de beaucoup. Nous voici donc désormais dans le champ de la clarté et de l’évidence qui va contraindre l’esprit à devoir contempler le vrai dans sa belle nudité. Les maîtres de certains cercles philosophiques  parleraient  de «  moment de fulgurance  » rappelant l’exaltation de  leurs antiques devanciers quand ils pouvaient reconnaître une «  fulgur veritatis mentis assensum rapiens » (la pleine clarté avec laquelle le vrai s’impose à l’adhésion de l’esprit)

Quel est donc le problème ?

Votre volonté de doter le pays d’une structure de Médiation Institutionnelle, volonté déjà affichée par le précédent gouvernement, a été inscrite dans un décret à l’exemple d’autres pays. Notre Cour Constitutionnelle dans une décision du 28 mai 2008 a cependant exigé que cette structure soit portée par une loi.

Pour faire droit à cette exigence, votre gouvernement a repris ce dossier et tout en corrigeant le premier décret, a mis en œuvre toutes les actions nécessaires pour la rédaction d’un projet de loi conformément à la volonté de la plus haute juridiction de notre pays.

Et vous avez soumis ce projet de loi à la sagacité de la Cour Suprême pour un avis motivé. Celui-ci a été émis dans le détail, article par article, avec des amendements pertinents que votre sagesse a pris en compte sans discuter.

Ce projet d’une loi voulue par la Cour constitutionnelle, régulièrement appréciée par la Cour Suprême qui a tenu à préciser son ancrage constitutionnel, vous l’avez adressé dans les formes habituelles au Président de l’Assemblée Nationale en prenant soin  dans le décret de transmission de désigner les ministres compétents chargés d’en ‘’exposer les motifs et d’en soutenir la disscussion’’.. C’est dans ces conditions que  la Commission des lois a étudié le projet , l’a amendé et l’a soumis à l‘appréciation de la haute assemblée avec un avis favorable unanime.

Nous attendons désormais avec espoir et sérénité  la réponse définitive de notre institution parlementaire.

Si j’ai tenu à rappeler cet itinéraire, c’est pour montrer la constance de votre soutien à une démarche de service au peuple dont vous avez la charge.  C’est pour vous remercier, vous exprimer notre pleine confiance en vous donnant des éléments qui renforceront encore votre détermination.

Ainsi, il existe une Association des Ombudsmans et Médiateurs Francophones (AOMF). Le Médiateur de la République française, le très distingué Jean-Paul DELEVOYE, en est le Secrétaire Général.

Dans son dernier annuaire, la liste des membres réguliers de l’AOMF comprend tous les pays de l’UEMOA. ; tous les pays…  sauf : le Bénin.

Il faut aller à la rubrique des membres associés pour trouver,par défaut d’une législation appropriée, le nom de l’Etat dont vous êtes, Monsieur le Président, la plus Haute Autorité .

Malgré cette situation assez  inconfortable mais qualifiée de provisoire, les pays membres de l’UEMOA  réunis en octobre dernier à Ouagadougou ont sollicité le Bénin pour présider et mettre en œuvre le mécanisme nécessaire à la mise en commun de leurs ressources en vue de faciliter l’application des directives communautaires aux citoyens de notre espace économique et social.

Alors, face à ce qui devient une pressante  nécessité,nous sommes    interpellés par un  triple défi qu’ à la suite d’un illustre personnge      Charles de Gaulle- ensemble nous pouvons nommer :  « l’honneur ,le bon sens, et l’intérêt supérieur de la patrie’ »

Je dis l’honneur car on ne peut se  reconnaître le dernier de la classe et se trouver à l’aise dans  un  rôle de chef d’équipe .

J’argumente par  le bon sens car nul  ne peut rejeter un projet bénéfique pour soi et pour lequel s’exprime de surcroît une coopération avantageuse..

J’invoque  enfin l’intérêt supérieur de la patrie, la notre ,le Bénin  qui se veut partenaire visible  dans un monde de dure  compétition..

Oui, nous avons pleinement confiance que l’honneur, le bon sens et l’intérêt de la patrie  commanderont au pays de privilégier la sagesse de l’oubli intelligent des  joutes et légitimes combats démocratiques d’hier que nul n’a intérêt à raviver. .  A quoi cela servirait-il d’ailleurs? Les Anglais nous l’enseignent avec humour : ‘’Victories and defeats of yesterday belong to yesterday’’ (victoires et défaites du passé appartiennent au passé).

Nous disons ces choses en ce jour de grande et célèbre mémoire. Il y a dix neuf ans en effet nous inaugurions notre conférence nationale pour inventer notre Renouveau démocratique.

Le nom de Monseigneur Isidore de Souza vient immédiatement à l’esprit. Noble figure de qui nous éloignent précisément dix années d’un adieu d’arrachement qui secoua tout le pays dans un ouragan mémorable déracinant les arbres et décoiffant cases et hameaux jusqu’à s’éteindre dans le soupir d’un au revoir d’espérance.

Médiateur exceptionnel et incomparable, Isidore de Souza nous presserait aujourd’hui d’aller résolument au pardon mutuel avec tous ; non point à un pardon sélectif  mais à une authentique réconciliation qui purifie et fait grandir, à une généreuse fraternité qui rassemble pour prospérer.

Sur une note plus personnelle, Monsieur le Président, celui qui eut le grand  honneur d’assumer les délicates fonctions de Rapporteur Général de la Conférence Nationale fondatrice de notre nouvelle république,  voudrait vous prier de l’autoriser à invoquer un rappel qui lui est cher :

Lorsque vous avez bien voulu me confier la charge de la Médiation dans notre pays, vous avez surtout voulu que je l’organise, qu’elle soit bien assise dans ses structures, ses procédures et ses initiatives et qu’elle puisse intégrer rapidement le vaste réseau international qui s’édifie en ce moment comme l’atteste le projet de résolution soumis depuis octobre dernier à l’Assemblée générale des Nations Unies avec pour auteurs des pays qui s’appellent : Japon, Djibouti, Costa Rica, Maurice, Egypte, Maroc, Mali, Sénégal et Bénin. Résolution lancée donc aussi en votre nom, Monsieur le Président et au nom du peuple de ce pays pour valoriser l’action des Médiateurs à travers le monde.

En acceptant votre appel généreux, je vous ai promis, Monsieur le Président, mon humble et dévoué concours tant que ma santé-que la Providence tient entre ses mains- me permettra de continuer à servir mon pays.,. Mais il est vrai  que je suis entré et que j’avance  sans illusion dans le temps du soir.

C’est précisément le temps du devoir de conscience ;de l’obligation de dire vrai et de faire bien .. C’est le temps du témoignage qui éclaire et qui rassure.

Voilà dans quel esprit je sollicite , Monsieur le Président de la République, que devant cette audience particulièrement choisie ’il soit permis de rappeler  aux héritiers de la Conférence Nationale que nous sommes l’urgente nécessité d’un retour rapide au sens de l’Etat et à la ‘’raison publique ‘’si nous ne voulons pas courir le risque de sombrer dans une sorte d’analphabétisme politique périlleux.

C’est dans cet esprit de service à tous sans distinction de race ,d’ethnie ,de parti politique, sans distinction de confession religieuse ,d’appartenance philosophique ou de condition personnelle ou sociale , c’est dans cet esprit de service à tous  qu’avec déférence, aujourd’hui jeudi 19 février 2009, jour anniversaire de la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation, j’ai l’immense privilège de remettre à votre Haute Autorité pour le bénéfice de la nation toute entière le Premier Rapport du Médiateur en République du Bénin. J’ose émettre le  vœu très sincère que les conclusions  de ce rapport inspirent des décisions courageuses, utiles au progrès de la démocratie et des droits humains dans notre commune patrie.

Je voudrais enfin oser encore un dernier vœu :

Il est en effet des dates qui  parlent , qui remuent et qui bousculent. Il est des dates qui sonnent comme le cor du berger ou les tam tams avertisseurs  de nos rois  de jadis Je souhaite ,Monsieur le Président qu’il plaise à Votre Autorité d’ordonner que désormais chaque année le19 Février, ,jour anniversaire  de la Conférence  Nationale des forces vives de la Nation soit le jour retenu  pour remettre officiellement au Chef de l’Etat chez nous au Bénin le Rapport et les recommandations du Médiateur de la République.

Voilà  Monsieur  le Président. la chance historique qui nous est offerte en ce jour mémorable .Vous avez le génie des occasions exceptionnelles …

Alors , Vive la République  et Vive le Bénin !

 



20/02/2009
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres