LE NOUVEAU BENIN

Déclarations du Ministre FAGNON lors d’un meeting à Dassa : Boni YAYI dégage ses responsabilités (Lire l’intégralité de sa réponse aux députés)

 Photo: Boni Yayi                 

Source: Aube Nouvelle du 1er juillet 2009 

Par la voix du Ministre en charge des Relations avec les institutions, Me Zakari BABA BODY, le Président de la République, le Docteur Boni YAYI a livré hier à la représentation nationale la réponse du gouvernement suite à son interpellation le 02 juin dernier sur les déclarations jugées graves faites par le Ministre Nicaise FAGNON à l’occasion d’une activité politique à Dassa. En situant les propos de son collaborateur dans leur contexte réel, le Chef de l’Exécutif a dégagé purement et simplement ses propres responsabilités dans ce dossier. Une façon de dire que les Parlementaires se sont trompés de cible.

Par : Bernadin MONGADJI

Le 02 juin 2009, les députés à l’Assemblée Nationale en application des dispositions des articles 71 et 113 de la Constitution du 11 décembre 1990 et 113 du règlement intérieur de l’institution avaient voté presque à l’unanimité l’interpellation du président de la République sur ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire FAGNON. En effet, il était demandé au président Boni YAYI de répondre des déclarations jugées graves pour la paix et à la cohésion nationale faites par le Ministre Nicaise FAGNON à l’occasion d’une de ses activités politiques à Dassa, sa ville natale. De façon claire, les députés reprochent au collaborateur du Chef de l’Etat d’avoir affirmé qu’il s’opposerait au « pluralisme politique dans sa région » d’origine puis aurait « mis en garde toute personne qui ferait un autre choix politique que le sien et se hasarderait à venir l’exprimer à Dassa voire dans le département des collines ». Voilà la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et qui a nourri à l’Assemblée nationale une salve de colère et de déchaînement depuis lors contre le ministre indélicat avant de déboucher sur l’interpellation directe du chef de l’Exécutif. Que dira Boni YAYI aux députés pour laver l’honneur de son collaborateur et rassurer à la fois la représentation nationale ? C’est la question qui était sur les lèvres de nombre de nos compatriotes depuis que cette affaire occupe l’actualité. Eh bien, c’est fait ! Le Président de la République, par l’entremise de son ministre en charge des Relations avec les Institutions, Zakari BABA BODY, a livré hier sa réponse aux Parlementaires. En des termes on ne peut plus clairs, après avoir situé les faits dans leur contexte réel, le président Boni YAYI a purement et simplement dégagé ses propres responsabilités dans les propos tenus par le Ministre FAGNON. « Je ne saurais donc légalement être interpellé au sens de l’article 71 de notre Constitution pour une activité qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la fonction gouvernementale », se défend le Président de la République. En effet, le principal accusé n’était pas en mission pour le compte du gouvernement ; il vaquait plutôt à une activité politique un jour non ouvrable et était en présence de ses militants. « Je me dois de dire que l’interpellation qui m’est adressée ne s’inscrit pas dans le cadre tracé par notre Loi fondamentale dont je suis le garant et que j’ai la charge de faire respecter », allègue Boni YAYI comme pour dire aux députés qu’ils se sont trompés de cible.

Réponse du président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement à l’interpellation de l’Assemblée nationale

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Honorables députés,

Le 02 juin 2009, l’Assemblée Nationale en application des dispositions des articles 71 et 113 de la constitution du 11 décembre 1990 et 113 de son règlement intérieur, a accueilli favorablement la demande d’interpellation du président de la République, chef de l’Etat, chef du Gouvernement, formulée par un certain nombre de députés au motif que des menaces pèseraient sur les libertés et l’unité nationale. Au soutien de cette décision, il est allégué que Monsieur Nicaise FAGNON, membre du Gouvernement, aurait déclaré lors d’une manifestation politique à Dassa-Zoumè le 02 mai 2009, qu’il s’opposerait au « pluralisme politique dans sa région » d’origine puis aurait « mis en garde toute personne qui ferait un autre choix politique que le sien et se hasarderait à venir l’exprimer à Dassa voire dans le département des collines ». Décryptant ces propos, les députés signataires de la demande d’interpellation en sont arrivés à la conclusion qu’ils s’inscriraient dans une série d’actes qu’il aurait posé, le gouvernement du président Boni YAYI et mettraient en péril les acquis démocratiques de la République du Bénin. Au nombre de ces actes, je retiens entre autres :

La prise d’arrêté préfectoraux d’interdiction de réunions publique dans l’Atacora/Donga et l’Alibori/Borgou, alors que dans le même temps, les ténors du régime y organisent des rassemblements, intoxiquent corrompent les populations. Le refus illégal d’installation des conseils communaux aussi longtemps que la formation politique du Chef de l’Etat, FCBE, n’y détiendrait pas la majorité, assorti de violence faite aux populations. Ils en déduisent que la responsabilité du Président de la République serait « largement engagée ».. Si les faits ci-dessus relatés ont retenu l’attention, leur imputation au Chef de l’Etat au point de l’interpeller devant la représentation nationale ne s’explique pas. C’est pourquoi, il me paraît opportun de les prendre pour ce qu’ils sont et de les situer à leur juste valeur.

Monsieur le président de l’Assemblée Nationale,

Honorables députés,

Je me dois de dire que l’interpellation qui m’est adressée ne s’inscrit pas dans le cadre tracé par notre loi fondamentale dont je suis le garant et que j’ai la charge de faire respecter. En effet, l’interpellation qui est une demande d’explication adressée par des parlementaires au gouvernement sur sa politique générale ou sur une question déterminée est prévue par les articles 71 et 113 de la constitution ainsi que par l’article 113 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale en ces termes : « Le Président de la République ou tout membre de son gouvernement peut, dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, être interpellé par l’Assemblée Nationale… ». Il importe donc de préciser en application des dispositions de l’article 71 ci-dessus cité, l’acte du chef de l’Etat ou d’un membre du Gouvernement qui peut donner lieu à l’interpellation par la représentation nationale, est celui posé dans le cadre des fonctions gouvernementales. Or comme vous l’avez si bien dit dans votre interpellation, Monsieur Nicaise FAGNON, ce jour là du 02 mai 2009 était en réunion politique, revêtu de tee-shirt aux couleurs de son parti politique, ce qui traduit bien qu’il n’agissait pas en tant que Ministre mais en tant que militant d’une alliance de partis politiques. Je ne saurais donc légalement être interpellé au sens de l’article 71 de notre Constitution pour une activité qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la fonction gouvernementale.

Je puis néanmoins vous assurer que je reste profondément attaché aux valeurs cardinales d’un Etat de droit caractérisé par le respect des droits fondamentaux de l’homme, des libertés publiques et de la justice y compris la libre circulation des personnes, des biens et des services sur l’ensemble du territoire de notre République. Au-delà des divergences d’approche politique, de croyance, de projet de société, il y a quelque chose de plus grand et de plus noble qui transcende tous les clivages et les générations et que je me dois en ma qualité de chef de l’Etat de préserver et de sauvegarder : c’est la République du Bénin, pérenne et indivisible. Par ailleurs, au nombre des actes d’intolérance et de violation des libertés sur lesquels votre auguste Assemblée m’a interpellé, vous évoquiez « la prise d’arrêtés préfectoraux d’interdiction de réunions publiques dans l’Atakora et la Donga et l’Alibori Borgou, l’imposition dans plusieurs communes, au cours des dernières élections communales, municipales et locales, d’une liste unique FCBE, arrachant ainsi aux populations leur droit à choisir librement leurs dirigeants ». Vous conviendrez avec moi que l’autorisation des manifestations publiques relève au Bénin comme ailleurs dans tout pays démocratique, de la police administrative. L’autorité administrative, en l’espèce le préfet du département, doit s’assurer avant d’accéder à toute requête à manifester en lieu public que les conditions sécuritaires pour éviter des troubles majeurs à l’ordre public sont réunies. A défaut, elle est fondée à prendre des dispositions appropriées qui parfois donnent lieu à des restrictions parfaitement légales. Si tel était le cas, je ne saurais, en ma qualité de président de la république, en répondre au point de métier une interpellation parlementaire contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 71 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990. En tout état de cause, tout citoyen a la latitude, dans un Etat de droit comme le nôtre, de saisir le juge garant des libertés publiques pour faire valoir ses droits… Enfin, au sujet du refus présumé de l’installation des conseils communaux, je ne comprends toujours pas que ceux qui contestaient la non installation des conseils communaux n’aient pas en son temps saisi le juge administratif pour dire le droit en la circonstance.

Monsieur le président de l’assemblée nationale ;

Honorables députés,

Soyez rassuré que je suis parfaitement conscient de ma haute charge. Les béninois veulent des idées fortes sur la manière de conduire leur pays à des lendemains meilleurs. Je salue la détermination de l’ensemble des parlementaires à jouer le rôle qui leur est dévolu par la Constitution de notre pays. La présente interpellation est la preuve de la vitalité de notre jeune démocratie et de l’expression de la volonté de ses acteurs politiques à contribuer par le dialogue et la veille citoyenne à prévenir toute situation préjudiciable à la paix et à l’unité nationale. Je n’ai qu’un seul objet, celui de faire du Bénin une Nation unie, paisible et prospère avec le concours de l’ensemble des forces vives qui acceptent de partager avec notre peuple, les valeurs éthiques, le sens du bien public, la discipline, le travail bien fait, le respect de l’autorité de l’Etat et de se soumettre à l’obligation de résultat et de reddition de comptes. Je sais pouvoir compter sur vous pour garantir à notre pays un meilleur fonctionnement des institutions de notre République et je vous prie de croire, monsieur le président et honorables députés, l’assurance de ma fraternelle et distinguée considération.

Cotonou, le 16 juin 2009



01/07/2009
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