LE NOUVEAU BENIN

RÉVISION DE LA LOI ORGANIQUE DE LA HAAC: Ce que les députés devraient savoir


L'Autre Quotidien du 23 janvier 2009

Les rédacteurs de la première mouture de la loi organique de la Haac qui étaient des professionnels des médias et des juristes n’ont pas au hasard établi un quota d’équilibre dans la désignation des conseillers de l’organe de régulation. Le chiffre 9 correspondait à cette volonté d’égalité, de créer une balance au sein des membres afin qu’aucune partie ne l’emporte sur les autres lors des décisions, même si ceux qui ont été désignés devraient fonctionner suivant le principe : « vous m’avez nommé, je ne vous connais point ». Le débat de l’équilibre s’est posé au Conseil national de l’audiovisuel et de la communication, l’organe de transition de la Haac, lors de la rédaction de la toute première mouture de la loi organique, qui a été une initiative du Cnca, sous l’impulsion et le charisme de feu René Dossa, président de l’institution à l’époque, et dont la connaissance politique du pays a permis aux membres de cerner les éléments de la loi. Ces éléments pouvaient soit faire traîner indéfiniment la création de l’institution que certains hommes politiques voyaient déjà avec méfiance, s’agissant de la régulation du 4ème pouvoir, soit dénaturer l’esprit qui a guidé les professionnels à inscrire l’instauration d’un organe de régulation parmi les institutions à prendre en compte par la constitution, lors de la conférence nationale des forces vives de la nation. L’éclairage des professionnels comme Sébastien Agbota, les juristes de haut niveau comme William Alyko, Feu Me Dossou, Me Rachid Machifa et le doyen de la radio béninoise Yllias Zounon, représentant le ministère de la communication ont été utiles. On doit saluer aussi l’appui considérable de Mgr Isidore de Souza, président du Haut conseil de la république qui a accepté de faire prendre en compte le dossier, en le traitant à nouveau sous forme de proposition de loi, par la représentation nationale.

   Les débuts des rapports entre la Cnca et le ministère de la communication portaient déjà les graines de la divergence sur certains points de gestion et de régulation des médias. Mais René Dossa avait de la carrure, et a tenu ferme contre toutes les tentations du pouvoir à empiéter sur les prérogatives que le Cnac travaillait à construire afin de garantir l’indépendance de la future Haac. C’est de cette époque, sur un terrain totalement vierge, que datait la prise en compte par les membres du Cnac de la gestion des campagnes médiatiques pendant la première élection présidentielle de 1992. Les premières précautions d’égalité dans la production médiatique pendant les campagnes venaient de là. Donc, le débat qui se profile aujourd’hui quant à la révision de la loi organique ne peut se faire en ignorant l’esprit de la loi et le contexte dans lequel elle a été conçue. Un contexte de liberté fraîchement retrouvée, après les années de plomb de la censure sous la Révolution. Il fallait opérer avec circonspection. Il ne s’agissait pas de créer une simple commission de régulation de la presse liée à un ministère, comme il en existait partout à l’époque, même en Europe, mais de mettre en place une véritable institution de contre-pouvoir, inscrite pour la première fois en Afrique tout au moins, dans la constitution. Chat échaudé craint l’eau froide et le Cnca n’a pas voulu que l’institution soit prise en otage par les politiciens, ni par l’un ou l’autre pouvoir. Ce ne devrait être ni une institution corporative imposant la dictature des professionnels au public, ni une institution envahie par l’exécutif avec une dictature gouvernementale, ni une institution sous la mainmise de la représentation nationale, consacrant la dictature parlementaire sur la presse. C’est pour cette raison que dans cette loi organique n°92-021 du 21 août 1992, il est inscrit à l’article 4 déjà, après l’article 3 affirmant l’exercice de la liberté de la presse et les domaines de ses limites, que : «la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la communication est une institution indépendante de tout pouvoir politique, association ou groupe de pression de quelque nature que ce soit». On comprend pourquoi les professionnels ont eu recours à la cour constitutionnelle pour les désignations au sein de la première Haac, pour que les politiciens ne fassent pas mains basses sur les places réservées aux vrais professionnels de la communication, se fondant sur l’ambiguïté du terme communicateur. En venir après toutes ces batailles à un révision au pied levé de la loi, en laissant de côté les vrais points qui ont besoin de réforme, c’est vouer l’institution à la dérive politicienne.

Par Léon BRATHIER



23/01/2009
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